LOGEMENT. « LA CADENCE DES EXPULSIONS VA DOUBLER »

Publié le par aulnay populaire

LOGEMENT. « LA CADENCE DES EXPULSIONS VA DOUBLER »

Fin de la trêve hivernale, crise sociale qui perdure : les associations appellent à manifester le 11 juillet au Palais-Royal, à Paris, contre les remises à la rue.

« L e 11 juillet, au petit jour, les forces de police vont pouvoir intervenir et expulser manu militari des habitants », alerte Jean-Baptiste Eyraud, fondateur du DAL (Droit au logement). En effet, la fin de l’État d’urgence sanitaire va mettre un terme à la trêve hivernale, qui avait été prolongée exceptionnellement jusqu’au 10 juillet. Pourtant, la situation du logement ne s’est pas améliorée. « La multiplication du chômage partiel, non indemnisé à 100 %, l’intensification des plans sociaux font craindre une explosion des pertes de revenus et donc des expulsions », s’inquiète Véronique Martin, de la CGT. Le syndicat, comme le DAL, l’ACDL, la Fasti, Femmes Égalité et une dizaine d’autres associations appellent pour ces raisons à manifester ce samedi 11 juillet contre les expulsions, les remises à la rue et les coupures d’énergie.

Depuis 2000, la courbe des expulsions n’a cessé de grimper : plus de 169 % en dix-huit ans. La crise du logement durcit, les loyers sont de plus en plus chers, le contrôle de leur augmentation mal encadré. Les factures, elles, s’alourdissent, avec une augmentation de 80 % du prix du gaz en seize ans et de 35 % pour l’électricité. D’un côté, les locataires s’appauvrissent ; de l’autre, le financement du logement social se réduit. Résultat : en 2000, 5 936 expulsions étaient ordonnées avec le recours de la force publique. Un chiffre monté à 15 993 en 2018. Or la crise sanitaire est passée par là. Désormais, il ne reste plus que 16 semaines avant le 31 octobre et la prochaine trêve hivernale. « Nous redoutons le doublement de la cadence des expulsions, surtout pendant l’été », craint Jean-Baptiste Eyraud.

Isabel Lagos habite rue des Rosiers, à Paris, depuis vingt ans. À 62 ans, elle dirige une crèche dans le quartier et a vu partir toutes les familles progressivement. Malgré de nombreuses lettres, le propriétaire n’a pas rénové les parties communes, ni les appartements, préférant profiter ponctuellement de locataires à l’année, moins concernés. Beaucoup d’anciens sont partis. Isabel Lagos, elle, est restée, mais depuis, son immeuble a été décrété insalubre. Un courrier a ordonné son départ pour le 24 août. « Pourtant, nous avons fait appel du jugement et le résultat ne sera connu qu’en octobre. » Avec quatre autres familles, elle se bat pour garder son logement. À 55 ans, Sophie, résidente à Saint-Mandé, est aussi sous la menace d’une expulsion. Sa chambre de bonne, de moins de 9 m2, a été déclarée insalubre. « La propriétaire m’a fait des propositions de logement inadéquates et obsolètes. Je ne sais pas où je vais aller si on m’expulse », confie-t-elle. Depuis janvier, 33 familles occupent un immeuble parisien rue du Croissant. Parmi elles, 30 enfants, dont 17 mineurs. « Le jugement d’expulsion a été prononcé le 2 juillet, raconte Gouraya. On ne dort plus. Avec mes deux enfants, nous vivons au jour le jour. Il est hors de question de retourner dans la rue. Nous sommes tous prioritaires Dalo (droit au logement opposable – NDLR), nous travaillons, nous avons des revenus. Mon fils me dit : “Je ne veux pas une Ferrari, juste une chambre.” » Et de prévenir : « Nous ne faciliterons pas la tâche aux policiers s’ils viennent nous mettre dehors. »

Juste avant de quitter son ministère, Julien Denormandie a signé une circulaire le 2 juillet, que dénonce Benoît Filippi, de l’Association des comités de défense des locataires (ACDL) : « Le ministre du Logement découvrait qu’il ne fallait aucune expulsion sans relogement, mais il parle de “proposition effective et adaptée”. Une proposition, ce n’est pas un toit. L’interprétation du texte peut se faire au minimum. Les maires doivent prendre des arrêtés anti-expulsions. » 

Kareen Janselme
 

 

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